Portrait : Adrian Frutiger
Ce qu’Adrian Frutiger nous apprend du caractère typographique
Laissez-moi vous présenter Adrian Frutiger, vous ne connaissez probablement pas cette personnalité du design et pourtant, c’est une star adulée de la sphère graphique ! Il y a des personnalités qui ont contribué à faire évoluer leur domaine, à apporter une réflexion, une méthode de travail, et résolument Adrian Frutiger en fait partie !
Bio express
Né le 24 mai 1928 à Unterseen et mort le 10 septembre 2015
Adrian Frutiger est un typographe suisse, créateur de polices de caractères et de logotypes.
- Apprentissage de typographe chez l’imprimeur Otto Schlaefli à Interlaken, de 1944 à 1948
- Étudie la sculpture, l’illustration, la gravure, la calligraphie à l’école des arts et métiers, à Zurich de 1948 et 1951
- Directeur artistique à la maison d’édition Hermann
- Collabore avec la société Linotype (création des polices Méridien, Univers (lancée en 1957 et qui l’a rendu mondialement célèbre), Avenir, Frutiger, Centennial, Versailles, Iridium, Serifa et même OCR-B…
- Signalétique de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle (utilisée également pour la signalétique touristique des autoroutes françaises)
- Création la police Métro, pour le métro parisien (une adaptation ré-actualisée de l’Univers, l’un des caractères latins les plus utilisés au monde)
Bibliographie 👍
- Adrian Frutiger, L’Homme et ses signes, Atelier Perrousseaux
- Adrian Frutiger, À bâtons rompus : Ce qu’il faut savoir du caractère typographique, Atelier Perrousseaux
Une réflexion : le processus de lecture
Ce qui est intéressant dans la démarche créative d’Adrian Frutiger, c’est sa réflexion sur le dessin du caractère.
Au-delà de l’aspect sémantique, pour la fixation du langage, c’est comment le signe typographique lui-même, peut permettre dans un ensemble sa bonne compréhension. En effet, au global, son ergonomie devra être comprise, et transmettra de la meilleure des manières la force d’un message, d’une information.
Ainsi, comme je l’ai déjà évoqué dans cet article ici, choisir une typographie avec pour seul argument l’esthétisme, n’est pas une bonne pratique. Entre lire un mot unique (nom de marque), et lire une phrase ou un paragraphe, l’approche est différente et le choix de la typographie est déterminant.
“Tout au long de ma vie professionnelle, je fus conduit à comprendre que la beauté, la lisibilité et, dans une certaine mesure, la banalité sont des notions très proches : la bonne lettre est celle qui s’efface devant le lecteur pour devenir pur véhicule entre l’esprit et l’écrit, et sert simplement la compréhension de la chose lue.”
– Extrait de Adrian Frutiger. Son œuvre typographique et ses écrits. –
Le dessin de la lettre : concevoir un signe
Divers éléments permettent de construire le signe, l’aspect graphique en réfléchissant au point (la plus petite unité graphique) et à la ligne, imaginaire quand l’œil crée une liaison virtuelle entre 2 points, ou quand la ligne devient le trait ou le tracé…
Les formes primaires pour y inscrire le signe : le “O” est un cercle, le “L” s’inscrit dans un rectangle, le “M” dans un carré…
La relation entre les signes : quel écart donné entre une lettre fine comme le i au milieu de deux lettres plus massives, afin qu’elle ne soit pas étouffée !! Pour rendre la lecture agréable, on règle l’approche entre les lettres afin que l’œil ne soit pas gêné dans la progression de sa lecture.
Il faudra dessiner les lettres en prenant en compte l’équilibre entre le blanc et le noir, pour que les lettres s’assemblent de manière harmonieuse. L’œil ne devrait pas être attiré par des gros pâtés noirs, perçus comme des tâches d’encres !
L’archéologie et le signe : l’œil, le cerveau et la parole
“Le lecteur a incrusté dans son subconscient, une sorte de matrice de la forme de chaque lettre de l’alphabet.”
La lettre dans sa forme classique est une sorte de “charpente”, qui se voit habillée et déshabillée de fioritures, en fonction des tendances. Aussi, le dessin du caractère n’est pas le seul élément pris en compte par Adrian Frutiger, mais également l’histoire qui a conduit à la fixation du signe.
En effet, l’alphabet que l’on utilise aujourd’hui s’est transformé au fil du temps. Avant de fixer ces signes abstraits qui composent notre alphabet, il y a eu ces étapes : le mot, le concept ont été symbolisés avec des images qui, au fil du temps, se sont simplifiées pour devenir les symboles que l’on combine pour former les mots, puis les phrases, etc. On sait qu’il y a un lien très fort entre l’expression écrite et l’expression corporelle, en effet, on émet et reçoit les informations avec nos cinq sens ! Aussi, la création stricte des lettres ne suffira pas et il y aura les signes de ponctuation !!!! les pictogrammes (une image vaut mille mots) une émoticône !!!! et oui les signes évoluent avec notre société, les technologies…
Du pictogramme à l’idéogramme !
Pictogramme : signe ou dessin représentant une chose ou un objet concret
Idéogramme : plusieurs pictogrammes combinés pour représenter un concept ou quelque chose d’abstrait
Conclusion
C’est une gageure de synthétiser ici l’ensemble du travail et des recherches d’Adrian Frutiger. Si le sujet à susciter votre intérêt, le mieux à faire est de lire les ouvrages écrits par Adrian. (rien ne me ferait plus plaisir ! 😁)
Les typographies créées
Pourquoi je vous parle de ce typographe ?
- Parce qu’Adrian Frutiger est l’un des meilleurs, connu internationalement. Vous avez forcément vu au moins une fois son travail !
- Mais aussi parce que la typographie est un art à part entière, et sa création réclame autant de connaissances et de compétences qu’un graphiste, un peintre…
- Parce que le choix de sa typographie n’est pas anodin, bien sûr cela relève d’une réflexion. Ainsi comprendre le travail d’un typographe permet de cheminer dans ses pas pour choisir la sienne.
- Cela aide à comprendre pourquoi une grande majorité des typographies que l’on utilise sont payantes. (c’est souvent le parent pauvre de la profession, avez-vous déjà payé pour utiliser vos typographies ?)
- La lecture des ouvrages d’Adrian Frutiger m’a passionné et que je voulais vous partager mon enthousiasme !
- C’est aussi une manière de renforcer mon discours, qui consiste à exprimer l’intérêt de bien choisir tous les “signes”, qui composeront votre identité visuelle. Évidemment, cela participe à renforcer le pitch de votre branding !